dimanche 13 juillet 2014

Bernard Aubertin, "Monochrome Rouge" (1960)

Bernard Aubertin, "Monochrome Rouge", 1960, huile sur toile, (35,2 x 22 cm)
Si le bleu est indissolublement lié au nom d’Yves Klein, le rouge, l’est, de même, mais de façon plus discrète, à celui de Bernard Aubertin. Bernard Aubertin s’est en effet lancé dans l’aventure monochrome en 1958, peu après avoir fait la connaissance d’Yves Klein, son aîné de six ans. Souvent comparées, les deux démarches ne sauraient pourtant être confondues. L’intérêt de Klein se porte en priorité sur le feu, le spirituel, l’immatériel ; celui d’Aubertin, à quelques exceptions près, va plus volontiers vers la cendre, le matériel, le factuel. Ses premiers monochromes sont tout à fait révélateurs à cet égard. Loin de chercher comme Klein à dématérialiser, par la couleur, la surface picturale, Aubertin s’efforce au contraire de donner à lire la matérialité de cette surface en utilisant une pâte épaisse qu’il travaille avec la paume de la main ou avec les instruments les plus hétéroclites : un couteau, les dents d’une fourchette, voire le dos d’une cuillère. L’usage de clous à partir de 1960 répondra à la même finalité. (« Planter des clous signifiait pour moi : objectiver »). Au fil des ans, l’artiste, fréquemment exposé aux côtés du groupe Zéro, a également exploré d’autres médiums : livres et allumettes (pour ses Livres Brûlés et à brûler (1968)) ; poudres, eau et grains divers pour la série des Avalanches (1969), etc.
Le Monochrome Rouge de 1960 constitue un jalon important de la recherche d’Aubertin. La matière est ici travaillée all over par des stries horizontales profondes ; traitement qui n’est pas sans rappeler l’effet de trame mis au point par Strzeminski dans ses compositions unistes de 1931-1932 afin de préserver ses tableaux d’une monochromie totale. L’illusionnisme résiduel des tableaux IKB (« la profondeur bleue ») est ici évacué au profit d’une matière qui joue avec la lumière réelle en l’accueillant dans ses replis. Le plan du tableau perd tout ou partie de sa transparence projective ; l’abstraction est totale mais la métaphore cependant n’est pas exclue. Vues microscopiques ou macroscopiques ; strates telluriques, canevas de tissus, tapis, peaux, etc. : le Monochrome Rouge d’Aubertin se transforme incessamment au gré de l’accommodation du regard à une échelle de représentation supposée. Au total, prédomine néanmoins l’effet de matière en sa froide objectivité (tempéré, certes, par les qualités expansives de la couleur rouge).

© Nicolas Exertier
Nicolas Exertier, "Bernard Aubertin", Première publication dans Art Contemporain (un choix de 200 œuvres du Fonds national d’art contemporain), (ouvrage collectif), Paris, Editions du Chêne, 2001.
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Bon anniversaire Bernard !
Bernard Aubertin, « Eclats », 2012, acrylique sur bois, 31 x 25 cm (courtesy galerie Jean Brolly)
Pour fêter les 80 ans de Bernard Aubertin, les galeries Maulberger et Jean Brolly présentent simultanément jusqu'au 31 juillet 2014 les peintures monochromes récentes de l'artiste : "éclats", "Suite Ivoirienne", et "Woks". 

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