dimanche 13 juillet 2014

Niele Toroni, "Kerguéhennec Story I,II, III" (1994)

Détail de Kerguéhennec Story I, II, III (1994), une oeuvre en trois parties réalisée par Niele Toroni dans les anciennes écuries du domaine de Kerguéhennec-en-Bignan (Morbihan). Sur la photo, on peut voir Kerguéhennec Story I (1994) (268 x 48 x 1,5 cm) et Kerguéhennec Story III (383 x 462 cm). Empreintes de pinceaux n°50 répétées à intervalles réguliers de 30 cm. Acquis par le FNAC en 1996

Le début du « travail-peinture » de Niele Toroni remonte à 1966, date à laquelle l’artiste a choisi de restreindre son activité picturale à l’application d’empreintes de pinceaux n°50 disposées en quinconce (à intervalles réguliers de 30 cm). Depuis lors, ce parti pris est resté inchangé. Tous les supports ont été passés en revue : de la  toile traditionnelle, montée ou non sur châssis, à la toile cirée, en passant par le journal, le sol, les murs, le mobilier. Associé un temps à Buren, Mosset et Parmentier au sein du groupe BMPT, prônant une relecture matérialiste de la pratique picturale, Toroni continue de se tenir au plus près du « degré zéro » de son art : la touche personnelle est éliminée, l’illusionnisme pictural et l’évolution des formes au fil des années pareillement rejetés. N’occultant pas le travail effectif qui a conditionné sa production (« chaque empreinte est unique, différente de sa voisine. Elle ne préexiste pas comme forme idéale à produire », dit-il) Toroni réalise le plus souvent ses oeuvres sur le lieu même de leur exposition. Il est ainsi un des premiers peintres post-studio.
Kerguehennec Story I, II, III, comme son nom l’indique, est une installation conçue et réalisée pour le centre d’art contemporain du domaine de Kerguéhennec-en-Bignan. Les empreintes de pinceaux n°50 sont distribuées sur trois types de supports : un mur, un lambris, et un panneau de bois autonome. Toroni évoque par ce biais l’histoire de la peinture qui, à partir de la Pré-Renaissance, s’est graduellement détachée du support architectural (avec lequel elle avait jusque-là fait corps) pour gagner son autonomie via le lambris (élément rapporté et fixé au mur) d'abord, le tableau de chevalet ensuite. Alors que, par son refus de faire évoluer son vocabulaire au fil des ans, la manière de l'artiste ne donne pas facilement prise à une lecture historique, elle se voit ici paradoxalement mise au service de l’Histoire (celle d’un médium). En fait, il se peut que la peinture de Toroni, par delà son côté « geste ultime », ait toujours été liée à une enquête historique, les empreintes de pinceaux résumant l’ensemble de l’héritage pictural occidental : « Je crois qu’en raisonnant par l’absurde, on pourrait dire que toute l’histoire de la peinture a toujours été l’empreinte de l’artiste », dit-il. 

© Nicolas Exertier
Nicolas Exertier, "Niele Toroni", Première publication dans Art Contemporain (un choix de 200 œuvres du Fonds national d’art contemporain), (ouvrage collectif), Paris, Editions du Chêne, 2001.

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