Le début du « travail-peinture » de Niele Toroni remonte
à 1966, date à laquelle l’artiste a choisi de restreindre son activité picturale à l’application d’empreintes de
pinceaux n°50 disposées en quinconce (à intervalles réguliers de 30 cm). Depuis lors, ce parti pris est resté inchangé.
Tous les supports ont été passés en revue : de la toile
traditionnelle, montée ou non sur châssis, à la toile cirée, en
passant par le journal, le sol, les murs, le mobilier. Associé un temps à Buren, Mosset et Parmentier au sein du groupe BMPT, prônant une relecture matérialiste de la pratique
picturale, Toroni continue de se tenir au plus près du « degré
zéro » de son art : la touche personnelle est
éliminée, l’illusionnisme pictural et l’évolution des formes
au fil des années pareillement rejetés. N’occultant pas le travail effectif qui a conditionné sa
production (« chaque empreinte est unique, différente de sa voisine. Elle
ne préexiste pas comme forme idéale à produire », dit-il) Toroni réalise le plus souvent ses oeuvres sur le lieu même
de leur exposition. Il est ainsi un des premiers
peintres post-studio.
Kerguehennec Story I, II, III, comme son nom
l’indique, est une installation conçue et réalisée pour le
centre d’art contemporain du domaine de Kerguéhennec-en-Bignan.
Les empreintes de pinceaux n°50 sont distribuées sur trois
types de supports : un mur, un lambris, et un panneau de bois
autonome. Toroni évoque par ce biais l’histoire de la peinture qui, à
partir de la Pré-Renaissance, s’est graduellement détachée du
support architectural (avec lequel elle avait jusque-là fait corps)
pour gagner son autonomie via le lambris (élément
rapporté et fixé au mur) d'abord, le tableau de chevalet ensuite. Alors que, par son refus de faire évoluer son vocabulaire au fil des ans, la manière
de l'artiste ne donne pas facilement prise à une lecture historique, elle se
voit ici paradoxalement mise au service de l’Histoire (celle d’un
médium). En fait, il se peut que la peinture de Toroni, par delà son
côté « geste ultime », ait toujours été liée à une
enquête historique, les empreintes de pinceaux résumant
l’ensemble de l’héritage pictural occidental : « Je
crois qu’en raisonnant par l’absurde, on pourrait dire que toute
l’histoire de la peinture a toujours été l’empreinte de
l’artiste », dit-il.
© Nicolas Exertier
Nicolas Exertier, "Niele Toroni", Première publication dans Art Contemporain (un choix de 200 œuvres du Fonds national d’art contemporain), (ouvrage collectif), Paris, Editions du Chêne, 2001.
Nicolas Exertier, "Niele Toroni", Première publication dans Art Contemporain (un choix de 200 œuvres du Fonds national d’art contemporain), (ouvrage collectif), Paris, Editions du Chêne, 2001.
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