vendredi 6 juillet 2012

Dieter Roth - À propos de l'enseignement de l'art






















Dieter Roth : Mon dernier poste, le dernier travail stable que j'ai eu, c'était à Düsseldorf, aux Beaux-Arts. J'avais 41 ans lorsque je l'ai quitté. C'est seulement depuis que je peux vivre des mes œuvres.

Kees Broos : Que peut-on enseigner aux gens qui fréquentent les Beaux-Arts ?

DR : On peut leur apprendre qu'ils n'ont pas besoin de fréquenter une académie. C'est possible ; moi, je peux faire ça. Depuis, j'ai essayé encore une fois d'enseigner, c'était à Munich, on m'avait invité pour une semaine. Mais, au bout de trois jours, ils avaient envie de se débarrasser de moi.

KB : Les autres professeurs ?

DR : Non, un type, le concierge, parce que j'avais lancé des bouteilles de bière à travers la vitre, j'étais saoûl. Et parce que, pendant mes cours, j'ai cassé des tables, etc. A Munich, je me suis toujours saoûlé avant d'aller aux Beaux-Arts, parce que je ne voulais pas y enseigner. J'ai l'impression que même un prof doit se laisser aller pour que les étudiants voient que c'est possible, ça aussi. C'est encore un exemple qui "insécurise" les gens. J'ai pu m'en rendre compte. Par exemple : si je vais aux Beaux-Arts de Munich et y casse tout et je suis saoûl, ça ne veut tout de même pas dire que je suis un ivrogne complètement déchu ; un clochard, quoi. Ainsi, je peux encore leur apprendre quelque chose ; ils vont croire qu'on peut se saoûler et se laisser aller et malgré tout, être productif. Mais là encore, je les trompe car ça ne marche pas. Car je crois qu'il ne faudra enseigner que juste avant de mourir ; tout en bas de l'échelle, lorsqu'on sera un pauvre clochard pourri. C'est là qu'on pourra enseigner quelque chose. Car on sera l'exemple vivant de quelqu'un qui n'a plus besoin de rien. Mais je n'en suis pas encore là, je n'ai pas encore la force de le faire.

Dieter Roth - "Entretien avec Kees Broos"
Iconographie : Dieter Roth par Kurt Wyss (1977)

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